The damned united, football et cinéma

     Pour cette nouvelle critique, je vais vous parler du film « The damned united » sorti en 2009. Ici, nous entrons dans le domaine du biopic et celui de l'adaptation. Le film est tiré du livre éponyme écrit par David Peace. Pour les fans de football anglais, les spécialistes, ce film devrait leur parler. Le film nous raconte l'histoire « vraie » d'un coach qui a marqué la premier league, Brian Clough. Mais revenons d'abord sur le réalisateur Tom Hooper. Avant 2009, il n'a réalisé que 2 ou 3 trucs pour la télé et un film en 2004 « Red Dust », déjà une adaptation d'un roman de Gillian Slovo sur l'apartheid. En 2010, il réalisera « Le discours d'un roi » pour lequel il obtiendra un oscar, en 2012 « Les misérables » une comédie musicale avec Hugh Jackman, et en 2015 « The danish girl ». Pour le casting, deux têtes d'affiches, Micheal Sheen joue Brian Clough, vous le connaissez oui oui, c'est le méchant Aro dans Twilight, et pour incarner son rival/mentor Don Revie c'est l'acteur Colm Meaney, là aussi une gueule du cinéma britannique, l'irlandais ayant tourné notamment pour Stephen Frears dans l'excellent « The van » dont je vous parlerai peut-être.

       Ce que nous raconte ce film, c'est un moment très précis de la carrière du coach Brian Clough, soient les 44 jours (seulement) passés à la tête de Leeds United après le départ de Don Revie nommé sélectionneur de l'Angleterre, en 1974. Nous allons donc découvrir la relation qu'il entretient avec Don Revie, qui a durant des années tout fait gagné à Leeds sauf la coupe d'Europe. Ici, on nous dépeint un conflit générationnel, l’ascension d'un jeune entraîneur qui déborde d'ambition, mais aussi un tournant du football anglais dans sa philosophie. Don Revie représente l'ancienne école, son équipe joue un kick & rush classique, ses joueurs sont durs pour ne pas dire violents. Le film soulève d'ailleurs le fait que le football anglais est embourbé dans un jeu stéréotypé et bourrin. L'introduction nous présente Leeds, champion très critiqué, ainsi que le trou noir traversé par l'équipe nationale. Clough nous est présenté comme un jeune entraîneur désirant faire du beau jeu, technique. C'est aussi un obsessionnel qui s'est créé en Don Revie un ennemi. Durant 1h37, on va découvrir le génie et la folie de Clough, sa relation avec son adjoint Peter Taylor qui a été essentiel à sa réussite et qui ne le suit pas à Leeds. Le football ici est surtout représenté dans ses coulisses, les images de match sont des images d'archives.

        Pourquoi regarder ce film ? Et bien, il s'agit d'une histoire très prenante. Pour ma part, j'ai découvert Brian Clough qui a été avant Fergusson, le détenteur du record de longévité dans un club, il sera le coach de Nottingham Forest pendant 18 ans après ce qui aurait dû détruire sa carrière, c'est à dire son passage éclair à Leeds. Clough est un jeune ambitieux, pressé, qui parle beaucoup, utilise les médias, est provocateur... Et dans un sens, j'y ai vu un parallèle avec José Mourinho. J'aime particulièrement la relation qu'il construit avec Don Revie, une rivalité qu'il s'invente à partir d'un moment de déception. Il veut être le meilleur, être reconnu. On voit un conflit de génération. L'histoire est un biopic, il nous fait rentrer dans l'intimité de Clough. De plus le montage en parallèle nous fait surtout vivre l’ascension de cet homme, lorsqu'il est à Derby County, club qu'il va faire gagner au plus haut niveau. Si la réalisation essaye de nous amener à mieux comprendre et apprécier cet homme, il ne s'agit pas non plus de le présenter comme un saint. Bien au contraire, lui même est enfermé dans son obsession au point de prendre de très mauvaises décisions qui auraient pû couler sa carrière. Ce film s'adresse aux passionnés d'histoire dont je fais partie. Il nous montre ce qui se cache derrière le mythe. Ca a marché sur moi. Le montage est rythmé, on ne s'ennuie pas, l'image rend très bien à mon sens les années 70, beau travail sur les décors, costumes et musiques. Je regrette juste que le rapport entre Clough et les joueurs de Leeds soient si peu approfondis, on comprend l'impossibilité qu'ils ont de travailler avec l'homme qui remplace Don Revie et qui de surcroît c'est permit de les critiquer, les traiter de tricheurs. J'aurai aimé plus d'effort sur cette partie. Mais d'un autre côté, l'aventure de Derby County est superbe à découvrir. Les seconds rôles sont assez effacés sauf pour Taylor mais le but est tout de même de nous montrer un homme seul face à ses choix. Il y a donc là, une vraie proposition narrative. Tom Hooper est un réalisateur somme toute classique mais qui sait par moment avoir de bonnes idées de réalisation, on sent son empathie pour le personnage qu'il décrit. Etant un jeune réalisateur, on peut se demander à quel point la réflexion de ce film peut aussi s'appliquer à sa jeune carrière de cinéaste.

      En conclusion, si vous avez envie de voir le parcours d'un entraîneur, de son ascension à sa chute, puis sa résurrection, ce film est fait pour vous. Le football, vu de l'intérieur est pour moi passionnant. Que vivent ces hommes, ces coachs, ces meneurs d'hommes ? Où est la limite nécessaire à l'ambition ? Voilà déjà deux questions traitées par ce film. J'espère avoir cette fois proposé un film peu connu et qui vous attirera. On se retrouve une prochaine fois pour un film je pense beaucoup plus connu, mais ça, c'est une autre histoire...

Julien Dehodencq alias Magicjool