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Le peuple de l'herbe

Par Mars_le_rouge, le lundi 30 Octobre 2006

Il existe à Paris, entre l'hôtel des Invalides et le pont Alexandre III, une esplanade où s'étendent, de chaque côté d'une large avenue centrale, de longues bandes de gazons impeccables. Ces rectangles verts servent chaque week-end de lieux de rassemblement à un peuple bigarré qui, surgissant à toute heure, se livre à d'étranges rituels, au gré des arrivées et des départs. Des blousons en guise de poteaux, des mains qui se serrent, des équipiers qui s'improvisent, et le spectacle peut commencer !

Ce qui frappe de prime abord, c'est la diversité. Ici, un maillot "Henry" joue avec un "Cantona". Là, un quadra passe le ballon à un gosse. Plus loin, une adolescente dribble un gaillard. Et puis il y a ces drôles de sons qui fendent l'air : "Amôaaaa !" ; " Lapasse-Lapasse !" ; "Holéga-Rev'nez !" ; "Tirobu !" Partout ça court, ça s'agite, ça gesticule... Et soudain, sur ce bout de pré vert qui s'offre à la vue, se raniment les souvenirs. Vous, je ne sais pas, mais moi, j'ai fait partie du peuple de l'herbe. 

Mon pote David était toujours dans les buts. Et mon autre pote Nicolas, toujours en pointe. Ceux-là avaient déjà compris que c'est sur le goal et l'attaquant que se concentrent tous les regards ! Les autres arrivaient au fur et à mesure. Des jeunes, des vieux, des grands, des petits. On s'arrangeait. A neuf contre dix, il y avait goal volant. Les matches joués la veille nous servaient d'exemples...

Celui contre Saint-Etienne (3-1) aurait donné lieu à une revanche sur le terrain en pente en bas de chez nous. C'est qu'il y a aussi des verts, dans l'Aube ! 

Les gars qui auraient pris l'ASSE auraient tout donné pour prendre le large dès le début. Extérieur oblige ! Le premier qui aurait râlé un peu fort se serait fait traiter de "Piquionne", mais personne ne l'aurait sorti. Par contre, il serait aller le récupérer lui-même le ballon ! Leurs attaquants auraient tout fait pour planter et il s'en serait bien trouvé un pour le faire de la tête, comme Feidhouno (39e) ! A la mi-temps, on aurait remanié les équipes parce que des gars partaient et que d'autres arrivaient. 

Et côté ESTAC, on aurait tout fait pour récupérer Vincent... Vincent, c'était notre Lachuer à nous, hormis qu'il ressemblait à Giresse. Par la taille et par le talent. Il savait tout faire et il le faisait bien. Il y a fort à parier qu'il nous aurait encore régalé avec ses passes au cordeau et que nos attaquants auraient tous marqués. Que ce soit dans la course, comme Danic (56e), sur un centre, comme Amzine (75e), ou lancé en profondeur comme Gigliotti (86e) ! Perso, j'aurais adoré mettre cette reprise de volée de la 75e, au ralenti et sous la barre, comme dans le film : "A nous la victoire" !!! 

On aurait joué des heures, pour ne s'arréter qu'à la nuit tombante... "C'était quoi le score déjà : 39-36 ?" ; "On s'en fout ! " ; "Vous venez mercredi ?" 

J'en étais là de mes errances quand des éclats de voix m'ont soudain ramené à la réalité... Devant moi, un ado se faisait éjecter du terrain par tous les joueurs, équipiers et adversaires ! Pas assez bon ? Plus de place ? Apparemment non... Les uns lui reprochaient d'être "trop perso", les autres de jouer 'trop vite", tous étaient unanymes : il n'avait plus sa place sur le terrain ! C'est alors que je me suis rappelé que le peuple de l'herbe n'est pas toujours accueillant, et je me suis éloigné doucement en repensant à mes vertes années.




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